L’apparente défaite d’Amazon sur le prix des ebooks…
Il y a peu de temps, Amazon subissait un énorme revers avec l’arrivée du modèle d’agence accepté par Apple. Dans ce système, les éditeurs fixent le prix des ebooks, et les distributeurs prennent simplement une commission de 30 %.
L’éditeur n’a plus à négocier à chaque fois avec le distributeur. Tous les distributeurs sont mis à la même enseigne.
En faisant cela, Apple a réussi de manière très intelligente à supprimer l’avantage concurrentiel principal de kindle (alors obligé de vendre au même prix que les autres distributeurs), et à tuer l’argument principal que préparait Kindle pour sa stratégie: le livre numérique à moins de 10 $.
Et malgré une tentative désespérée de refuser, Amazon a dû céder et lui aussi adopter ce modèle d’agence.
Le modèle d’agence: un piège pour ses signataires ?
Et si le modèle d’agence se retournait finalement contre ceux qu’il ont adopté ?
Si on regarde les choses aujourd’hui avec un peu de recul, ce qui ressemblait fort à un échec pour Amazon pourrait bien devenir une réelle arme commerciale et se retourner contre les éditeurs signataires.
En effet, il faut tenir compte de 3 autres acteurs : les autres éditeurs, les auteurs, et les consommateurs.
Et ceux-ci pourraient bien s’entendre sur la baisse des prix grâce (ou à cause) du modèle d’agence….
- Les autres éditeurs, plus petits mais beaucoup plus nombreux pourraient trouver dans la vente de leurs ebooks à moins de 10 $ un avantage concurrentiel inespéré. On peut facilement imaginer que kindle leur facilitera la tâche et leur donnera une visibilité améliorée sur leur catalogue.
- On peut aussi imaginer que les auteurs choisissant l’auto édition seraient prêts à vendre leurs ebooks moins cher, puisqu’ils n’auraient pas à reverser la plus grande partie des revenus à un éditeur. Là encore, l’avantage concurrentiel et la visibilité apportée devrait en motiver plus d’un.
- Enfin, il ne faut pas oublier le consommateur, qui depuis le début demande en effet la baisse des prix. Les premières réactions modèles d’agences montrent que le consommateur se sentent d’ores et déjà floués. Un point qu’Amazon n’hésitera sûrement pas à exploiter au maximum en temps voulu.
On voit donc qu’en proposant les deux modèles (le modèle d’agence et son modèle), Amazon est soit dans une position égale à ses concurrents, soit dans une position favorable avec son modèle de prix bas. Une situation qui est loin d’être un échec !
Une limite cependant : les autres grands distributeurs (on pense bien sûr à Apple) peuvent tout à fait pratiquer des bas prix aussi avec des éditeurs qui ne choisissent pas le modèle d’agence.
Le scénario de la contagion des bas prix….
C’est un scénario auquel je crois. Dans celui-ci, Amazon propose deux modèles de prix (modèle d’agence, et modèle Kindle), et le consommateur s’oriente massivement vers les prix les plus bas, se détournant alors des ebooks issus du modèle d’agence. Il suffit de regarder les chiffres d’Amazon pour voir la corrélation directe entre les prix et les ventes sur leur propre boutique et pour comprendre que ce scénario est loin d’être irréaliste.
Comme Amazon serait le seul à proposer des prix réellement bas, et qu’il disposerait d’une nouvelle gamme de lecteurs plus séduisants, il garderait alors l’avantage sur ses concurrents en termes de ventes.
On pourrait alors imaginer que les grands éditeurs qui ont fixé le modèle d’agence soient finalement obligés de baisser leurs prix pour ne pas perdre complètement le marché au profit de leurs concurrents plus souples sur les prix.
Bien sûr, un tel scénario semble aujourd’hui lointain. Mais il y a un facteur qui pourrait le rendre plus crédible : le facteur Google.
On sait que Google arrive d’ici l’été avec une offre qui n’est pas encore connue avec précision. On ait aussi quelles ambitions Google nourrit concernant les ebooks. Je ne serais donc pas étonné que Google choisisse aussi des prix bas, et que la partie gratuite de son offre en fasse le leader du marché.
Google deviendrait alors un des artisans majeurs de la baisse des prix, contribuant alors aussi à mettre à mal le modèle d’agence dans sa forme actuelle. J’irais même jusqu’à penser que Google et Amazon ont un intérêt commun à contrer Apple.
Bref, la guerre des prix ne fait que commencer…