Kindle Singles : un laboratoire pour Amazon ?

L’incontournable besoin de vérification humaine

Alors que la plateforme d’auto-publication de Kindle est depuis peu « spammée » et court le risque d’être envahie d’une vague d’ebooks plus ou moins légaux et de qualité, les Kindle Singles, nouveau format court chez Amazon, fonctionnent selon un modèle différent, impliquant une vérification humaine.

Un modèle intermédiaire doit-il être inventé ?

« Vrais et faux ebooks »

Il y a quelques années, sur eBay, le boom des ebooks a commencé, bien avant qu’on en parle dans les médias. Mais ces ebooks n’étant pas issus de l’édition, les quelques auteurs sérieux qui étaient présents ont vite été noyés dans une masse d’arnaques en tout genre, et de copier-coller d’ouvrages parfois protégés par les droits d’auteurs. Ebay a essayé de contrôler ce flux, puis a du se rendre à l’évidence, et a du se résoudre à supprimer les ebooks de ses listings.

Amazon doit aujourd’hui faire face aux mêmes problématiques sur sa plateforme d’auto-édition, avec des personnes qui voudraient profiter de la manne ebook sans pour autant avoir jamais été véritablement impliqué dans un quelconque travail d’écriture.

Ils profitent ainsi  de la principale faille du système : l’absence de vérification humaine avant publication.

Amazon va donc devoir mettre des filtres à l’entrée de son système d’auto-publication pour éviter d’en faire une poubelle, mais sans pour autant mettre de barrière à  l’entrée comme le feraient des éditeurs, sous peine que la plateforme perde une grande partie de son intérêt : donner sa chance à tous.

Un exercice délicat…

Le modèle Kindle Singles

Toute ambition de contrôler ce flux de mauvais contenu en passant seulement par des logiciels est à mon avis vaine. Les plus malins trouveront comment contourner le système et vendront même leur méthode, qu’ils mettront à jour à chaque changement.

Il faut donc revenir, au moins de manière minimale, au contrôle humain.

C’est ce qui se passe pour les Kindle Singles, ces ouvrages courts d’un nouveau genre, composé de 5000 à 30.000 mots pour moins de 5 $. Amazon mise beaucoup sur ce format, et les soumissions passent sous le regard expert de David Blum, responsable des Kindle Singles, avant une éventuelle publication. En 6 mois, 75 ouvrages ont été publiés, et on sait qu’il en sort « seulement » 3 nouveaux par semaine.

Mais on est là dans la partie édition d’Amazon (Amazon publishing), dans un domaine prometteur où Amazon tient à vérifier la qualité de ce qui est proposé. Cela démontre aussi qu’Amazon sait très bien qu’un minimum de contrôle est absolument nécessaire pour garantir une certaine qualité des contenus.

Alors pourquoi ne pas mettre en place un filtre aussi pour la plateforme d’auto-publication ?

Tout d’abord, le 1er objectif était de construire le catalogue le plus vaste possible et le plus rapidement possible. Tout filtre aurait alors constitué un frein à cette expansion. Ensuite, la vérification humaine a nécessairement un coût en personnel, coût que cherche bien sûr à éviter Amazon pour proposer des commissions intéressantes aux auteurs tout en proposant des ebooks à bas prix et en faisant sa marge. Enfin, le système fonctionnait plutôt bien jusqu’ici.

Vers un modèle hybride ?

Amazon publishing est la maison d’édition d’Amazon, qui monte en puissance. Les Kindle Singles sont vérifiés par de vraies personnes. La plateforme d’auto-publication est en place. Tous les ingrédients sont là pour passer à un autre niveau à moyen terme.

Je ne serais donc pas étonné de voir à terme un modèle hybride de plateforme d’auto-publication intégrant un système de filtrage qualitatif minimum à  l’entrée.

Les auteurs pourraient soumettre leurs ouvrages, un filtrage de qualité minimal aurait lieu à l’entrée, le gros des ebooks seraient vendus directement, et les ouvrages à très fort potentiel se verraient rapidement proposer un contrat d’édition proposé par Amazon Publishing.

Et on sait qu’un service d’impression à la demande est en phase d’expérimentation.

La vraie question sera de savoir comment opérer ce filtrage.

Certains parlent d’utiliser la méthode d’autres plateformes : un droit d’entrée payant, qui dissuaderait d’envoyer des dizaines de versions d’un même ouvrage en espérant gagner de l’argent en vendant un exemplaire de chaque de temps en temps. Avec un droit d’entrée, cette solution « spam » serait enterrée.

On pourrait aussi imaginer une solution logicielle qui alerterait des contenus dupliqués et donnerait lieu ensuite à une vérification humaine préalable avant publication.

Une solution très « tendance » pourrait aussi consister à impliquer la communauté. Là, on peut tout imaginer, comme le fait par exemple d’avoir le droit de lire des extraits de livres en pré-publication gratuitement, et de signaler pour vérification des ebooks « douteux ».

Mais il n’y a pas de solution idéale pour l’instant.

Un enjeu pour tous les acteurs.

Amazon est plus visible et manifestement plus concerné par les problématiques de « spam », mais toutes les plateformes des grands acteurs auront les mêmes problématiques au fur et à mesure que les plateformes d’auto-publication prendront de l’essor.

Barnes & Noble propose maintenant une version PRO de sa plateforme Pubit, Apple et Google ont aussi leur plateforme en place, et Kobo devrait aussi lancer la sienne sous peu.

Ce genre d’outil sera au centre de la chaîne du livre numérique demain, et devra continuer de donner sa chance à tous, être très économique (donc automatisé si possible), tout en garantissant une qualité minimale de la publication. Un défi qui sera sûrement difficile à relever…

.

A lire aussi : l’article de Jimini Panoz qui fait un point très complet sur le sujet des plateformes d’auto-publication.