Le livre numérique : oui, payer : non !

77% des utilisateurs n’ont jamais acheté un livre numérique.

S’il y avait besoin d’une preuve de l’urgence de repenser les modèles économiques concernant le livre numérique, en voici une. Le Baromètre GFK indique que 77% des téléchargements concernent des ebooks gratuits, mais aussi que 77% des personnes interrogées s’en contentent très bien, sans avoir besoin de versions payantes. 

L’achat d’un appareil de lecture numérique représente déjà un coût important…

L’échec d’un système

Si certains pensaient que le gratuit n’empêchait pas le payant de fonctionner, qu’ils se détrompent. Les derniers chiffres de l’institut GFK, révélés par l’AFP, démontrent non seulement que plus des 3/4 des ebooks téléchargés sont gratuits, mais surtout que les 3/4 des utilisateurs n’ont jamais acheté d’ebooks. 3% seulement des utilisateurs ne téléchargent que du payant.

Le piratage atteint désormais 27% des téléchargements gratuits, preuve qu’il a bel et bien démarré, démontrant mieux que de longs discours l’absence d’alternative légale attractive.

C’est un véritable échec pour les acteurs du domaine, comme le souligne avec force Marc-André Fournier sur son blog.

Une autre étude GFK, datant du mois de mai, est à mon sens intéressante aussi pour mettre en perspective ce chiffre plus récent. La dernière étude parlait de 74% de téléchargements d’ebooks gratuits, contre 77% dans cette étude.

Peut-on encore faire payer sur internet ?

Oui, mais c’est très difficile, et cela nécessite des modèles économiques différents.

La situation actuelle est la suivante : les 3/4 des livres numériques téléchargés sont donc gratuits, Amazon vient d’annoncer un service de location auprès des étudiants (80% moins cher) qui pourrait être un modèle repris ensuite pour les autres ebooks, les premières offres d’ebooks sur abonnement arrivent (en plus de celle de Publie.net), avec des modèles économiques qui préparent un modèle comme Spotify ou Deezer pour les ebooks (gratuité ou offre premium).

Et comme seul modèle concurrent, nos grands éditeurs proposent un prix unique du livre numérique presque au prix du papier pour des ouvrages protégés par DRM. Où est l’offre légale et attractive, jugée nécessaire pour enrayer le piratage ? Nulle part. Les acteurs qui s’occupent du livre ont un mode de fonctionnement totalement archaïque, non pas en soi, mais sur internet. Le copier-coller des modèles du livre sur internet sont un échec, comme dans la musique ou le cinéma, qui cherchent toujours comment survivre à l’ère numérique.

Face au gratuit : proposer autre chose.

Il est peut-être possible de faire payer quelque chose sur internet, à l’unité, mais dans ce cas, il faut utiliser les modèles qui marchent. La vente à l’unité peut marcher, mais à prix réduit (comme les applications pour smartphone par exemple).

D’autres maisons d’édition, plus petites, et certaines exclusivement numériques, ont fait le choix de proposer des collections originales et différentes, pour attirer un autre public, avec des prix plus serrés, et l’absence de DRM. C’est déjà beaucoup mieux.

Les ebooks enrichis sont peut-être aussi une des voies dans lesquelles le consommateur aura l’impression d’en avoir pour son argent. L’enrichissement proposé, s’il est de qualité et opportun, peut en effet donner une vraie valeur ajoutée à certains types d’ouvrages.

Mais cela n’est pas une solution pour les ouvrages de littérature, dont toute la magie repose dans le talent de l’auteur pour nous emmener dans un univers qu’il ne faut surtout pas enrichir à la place du lecteur, dont l’ imaginaire fera très bien le travail.

Ensuite, c’est vers des modèles à abonnement qu’il faudra se tourner si on veut arriver à séduire un public de lecteurs. La gratuité, financée par ailleurs, est aussi un modèle qu’il faudra explorer, car d’autres le feront.

Une chose est sûre : faire payer  sur internet presque le prix d’un livre papier pour un simple fichier mis en page avec plus ou moins de soin, et équipé de protections anti-piratage qui en rendent l’utilisation parfois compliquée, voilà un modèle suicidaire…