Bienvenue dans l’univers des droits de revente…
L’information qui circule depuis plusieurs jours, et reprise par de nombreux sites, dit qu’Amazon serait spammé par des ebooks envoyés automatiquement, volés à d’autres auteurs, et utiliserait des contenus appelés Private Label Rights. Oui mais, Private Label Rights, c’est en réalité une licence mal connue, et pas du vol de contenus.
Pas une arnaque, mais une dérive rendue possible par le traitement automatisé des soumissions.
Plusieurs articles ont relaté qu’un Kit DVD « Autopilot Kindle Cash » (ci-dessus), permettait de spammer Kindle avec des ebooks à 0,99$, en volant du contenu. En dehors de quelques inexactitudes montrant que le sujet a été un peu vite traité, il y a quand même une erreur de taille : ce n’est pas du vol de contenu, et c’est donc légal.
On a donc bien parlé de Private Label Rights, mais sans que cela ne soit expliqué. Or ces produits sont le coeur même du problème, de par la licence qui y est associée.
Un type d’ebook peu connu ici : les « How-To »
Impossible de comprendre le « Spam Amazon » ou les PLR sans parler du type d’ebook concerné, très développé outre atlantique, et communément appelé « How-to », ce qui signifie « comment faire ». Ces guides pratiques sont une partie très importante de la production de livres, mais pas seulement : DVD d’experts, cours audio, le marché du « Comment faire » est immense, et le numérique n’y échappe pas.
En France, on connaît bien sûr ce genre de livre, dont la star est bien entendu la collection « Pour les nuls ». Ce genre de collection connaît aussi un fort développement. Preuve de l’intérêt du public pour ce genre d’ouvrages en version numérique aussi, on trouve désormais des sites spécialisés dans le domaine pratique, comme Didactibook, la référence dans le domaine.
Mais une grande partie du « How-to » d’outre-atlantique est un peu différent, car plus spécifique, plus concret, et axé sur des recettes plus que sur des explications théoriques. Le pragmatisme américain se ressent dans la production.
Aux Etats-Unis, beaucoup de personnes se sont donc lancées dans cette activité auto-éditée, que ce soient des experts plus ou moins reconnus, ou des amateurs qui partagent leur savoir-faire personnel. En soi, l’idée est plutôt intéressante et les sujets infinis : un jardinier crée un ebook pour les débutants en jardinage, un blogueur écrit un ebook sur l’écriture d’articles, un photographe….je suis sûr que vous me suivez.
Mais quel rapport avec le Spam sur Amazon…
Le problème : une certaine vision du « marketing »
Voyant que le marché des « How-to » générés par des amateurs se développé, certains auteurs plutôt malins ont fait fortune en vendant de véritables méthodes pour réussir dans la production d’info-produits, au point que tous ceux qui s’intéressent à ce sujet ou presque ont adopté leurs méthodes agressives. Le Kit « Autopilot Kindle Cash » n’en est qu’une illustration.
Depuis l’avènement du « marketing internet », l’important n’est donc plus le contenu mais le sujet, le titre, la couverture, les promesses….Ebay a le premier décidé d’interdire ces produits qui étaient pourtant promis à un bel avenir, tant la qualité s’est dégradée, et tant il y a eu de plaintes.
Dommage, car au milieu de cette masse de produits médiocres, il y a des choses très intéressantes écrites par des personnes qui ont de vraies compétences ou informations à partager.
Private Label Rights : une des trois licences qui concernent les droits de revente
Une des dérives du « tout marketing » est à mon avis la création de licences de droits de revente. Certains marketeurs (comme on dit dans le domaine) ont eu une très bonne idée pour gagner plus d’argent : créer des licences qui permettent à des personnes de se lancer dans un business lucratif (en théorie) sans pour autant savoir écrire ni avoir de compétence pour cela. Il suffit d’acheter et de revendre un produit tout fait ou ne nécessitant qu’un minimum de travail.
Ces licences sont devenus une vraie mine d’or pour ceux qui vendent « la fortune facile » à ceux qui rêvent de devenir riche sur internet avec un minimum d’efforts.
Les différentes licences…
Il y a 3 types de licences : RR (Resale Rights), MRR (Master Resale Rights), et PLR (Private Label Rights). Je passerai sur une 4ème licence qui donne le droit de distribuer gratuitement un ouvrage, celle-ci sortant du cadre du billet.
Les licences RR et MRR permettent d’acheter un ebook et de le revendre. Cela permet à son auteur non seulement de le vendre plus cher, mais aussi de le diffuser de manière « virale », les acheteurs cherchant à le revendre pour gagner de l’argent. Et dans ces ebooks parfois vendus à tout petit prix, il y a souvent des liens d’affiliation sur lesquels l’auteur est commissionné ou des liens vers d’autres offres du même auteur. Plus l’ebook est diffusé, plus ces liens génèrent des revenus pour le 1er niveau de ce qui ressemble fort à une pyramide. La licence MRR est le niveau au dessus, où l’acheteur obtient le droit de revendre…le droit de revente lui-même. C’est l’effet viral à son maximum, puisque chacun cherche à revendre le livre acheté, et que l’achat lui-même n’a plus d’autre but que d’investir dans un produit à revendre. Le contenu lui-même devient très secondaire…
Les licences PLR sont celles qui nous occupent dans l’affaire Amazon. Pas de liens ici, puisqu’il est autorisé dans la licence de tout modifier, contrairement aux deux autres licences où il faut surtout ne rien modifier. Le produit avec licence « Private Label Rights » est vendu comme « votre livre pratique clés en mains », où vous pourrez même vous déclarer en tant qu’auteur de l’ouvrage. Vendu pour quelques Euros la plupart du temps, ce genre de licence permet donc d’acheter un contenu déjà écrit.
Si certaines personnes considèrent les ouvrages PLR comme une source d’information pour la création d’un ouvrage, d’autres ne se privent pas d’effectuer seulement un léger relooking de surface pour créer un « nouveau » produit, et n’ont aucun scrupule à revendre le même produit sous différentes formes, sans en changer le contenu.
C’est exactement ce qui se passe sur Amazon.
Les problèmes posés par les droits de revente
Avec la licence PLR, il est possible d’acheter un produit qui sera aussi acheté par des centaines ou milliers d’autres revendeurs, dont une partie se contentera de relooker et revendre tel quel le contenu. On obtient alors sous différents titres et couvertures des ouvrages quasiment ou presque quasiment identiques. Et il est impossible de le savoir pour le consommateur.
Autre problème : la qualité des contenus proposés sous ces licences. Lorsqu’un produit est proposé sous ces licences, le but n’est plus de mettre en avant le contenu, mais le potentiel de revente. Les produits créés dans cette optique sont donc rarement de qualité, puisque ce n’est pas leur intérêt premier. Certaines exceptions semblent exister, mais à des prix supérieurs, donc qui n’intéressent pas ceux qui « spamment » la plateforme Amazon.
Le nombre de méthodes qui se vendent pour apprendre à « écrire » des ebooks en quelques heures sans rien connaître du sujet au départ laisse imaginer l’étendue des dégâts.
Pour autant, attention à ne pas confondre PLR et vol de contenus…
Même si ces licences dérangent et posent de vrais problèmes, il faut éviter l’amalgame entre utilisation du contenu d’un livre avec accord de l’auteur avec le vol du contenu d’un livre. Et malheureusement, cette pratique n’est pas absente de la plateforme, et a créé la confusion entre les deux sujets.
Mais en dehors du site Actualitté, qui a bien précisé que ces PLR étaient une licence, la confusion des genres montre à quel point ce domaine est peu connu.
Un vrai danger pour Amazon
On voit enfin concrètement les limites des plateformes d’auto-édition, et à quelle vitesse toute brèche est tout de suite exploitée par des personnes peu scrupuleuses. Amazon doit vite endiguer le phénomène, pour éviter un envahissement par des produits qui risquent de mettre à mal la plateforme. Le risque pour la plateforme est en effet le même que celui de Spam bien connu de nos boîtes email.
Et le problème se serait pas seulement d’avoir des clones non identifiables (il y aura certainement des solutions pour détecter les contenus similaires). L’autre problème majeur est que la plateforme risque d’être inondée par de « faux ebooks », conçus à la va-vite pour accrocher l’acheteur potentiel avec un titre prometteur, dont le contenu n’est pas à la hauteur ensuite.
La qualité devra nécessairement être contrôlée rapidement, et ce humainement, sans quoi l’appât du gain créera inévitablement une production massive d’une qualité…inqualifiable !
C’est ce qui a conduit, rappelons-le, Ebay a interdire les ebooks sur sa plateforme.