Faut-il vendre l’ebook au prix des applications ?

Le cauchemar des éditeurs…

La grande peur des éditeurs est que le passage au numérique fasse perdre toute valeur au livre. Notre loi sur le prix unique du livre numérique est devenue le dernier rempart pour se protéger. Mais, alors qu’applications et jeux sont désormais vendus entre 1 et 5 euros sur les App Stores, l’ebook peut-il vraiment échapper à cette logique ?

L’ebook à 0,99 € : qui en voudrait ? Tout le monde ! Tout est résumé dans cette constatation.

Ce modèle semble aujourd’hui impossible, et totalement irréaliste aux yeux des éditeurs. Il n’est pas du tout envisageable. Ce modèle vient pourtant tout juste de s’imposer sous nos yeux, avec le boom des applications pour smartphones, et maintenant pour tablettes !

Apple, mais aussi Android, et maintenant Amazon avec son AppStore, RIM ou HP, et tous les autres l’ont bien compris : l’heure est aux immenses magasins d’applications. L’offre et la demande font ensuite leur travail, et aujourd’hui, la valeur perçue d’une application permet de la vendre entre 0,99 et 4,99 €, et rarement plus.

Pour les contenus, c’est encore plus frappant : des entreprises comme Netflix (VOD illimitée pour 7,99 $ par mois), Amazon ou Hulu proposent de la vidéo à la demande via des abonnements à très bas prix, ou même gratuitement. Pour la musique, Deezer ou Spotify proposent eux aussi la gratuité, et des modèles premium…

On peut apprécier ou regretter cette tendance, mais pas la nier.

App Stores et Ebook Stores

En face de ces magasins d’applications où l’achat et le téléchargement se font en un clic, on trouve maintenant des Ebook Stores. C’est le même principe qui y est appliqué : un énorme choix, avec achat et téléchargement en un clic. Mais il y a aussi de nombreuses applications-livres, qui confirment aussi cette assimilation du livre et de l’application.

Mais que le livre soit application ou dans une application, comment ne pas faire le parallèle aussi concernant les prix ? Les premières applications n’étaient pas à 1 €. Elles le sont devenues, pour beaucoup, par la force des choses…

Le problème, c’est que le modèle économique de l’édition n’est manifestement pas compatible avec le modèle des stores, où règnent en maître gratuité et tout petits prix.

Quant à sortir de ces plateformes, c’est tout à fait possible, mais seulement si on veut ne pas vendre. Tout a lieu ici aujourd’hui. Le fait qu’Amazon vienne de lancer un App Store sur Android prouve que c’est bien là que les choses se passent aujourd’hui.

L’Ebook Store : un modèle différent de l’App Store ?

C’est sûrement ce que pensent les éditeurs en proposant leurs livres numériques à des prix aussi éloignés de l’attente des utilisateurs. Mais le concept des Stores, ce sont les micro-prix, toujours. La séparation qui existe entre Ebook Store et App Store va même être gommée sur l’Android market, où les livres de Google Ebooks seront désormais proposés aux côtés des applications.

Proposer des prix supérieurs à ce à quoi s’est habitué le consommateur ne marchera pas.

Pour éviter les bas prix, il y a bien sûr la loi sur le prix unique du livre numérique, qui impose un prix identique pour tout le monde. En théorie, les consommateurs, faute d’alternative, payeront le prix demandé puisqu’ils n’auront pas le choix.

Mais ça ne suffira pas. Les ebooks ne sont pas un produit de première nécessité (on peut s’en passer), et ils sont facilement accessibles sur des sites pirates (on peut contourner). Bref, par nature, les ebooks doivent être proposés à bas prix, un peu comme la musique.

Le modèle du livre de poche comme solution ?

Les consommateurs ne veulent pas acheter un ebook à 18 euros au lieu de 20 euros en version papier, surtout quand la version de poche est entre 5 et 8 euros. Pour la plupart des personnes avec qui je discute, 7 à 8 euros, c’est le grand maximum.

Les consommateurs ne peuvent pas accepter un discours selon lequel il est impossible de baisser les prix pour le numérique, mais où il est possible de le faire avec un livre papier, avec des différences de prix énormes.

Sur internet, la richesse est produite sur les volumes. L’ebook ne fera pas exception. Alors pourquoi ne pas adapter directement le modèle du livre de poche ?

Y a t-il un juste prix ?

Le bon prix de l’ebook n’est certainement pas celui des applications du point de vue des éditeurs. Je ne nie pas qu’ils ont sûrement de bonnes raisons, des difficultés, et des investissements. Mais ça, ce n’est pas le problème du lecteur. Les éditeurs outre-atlantique ont les mêmes problèmes, mais ne pratiquent pas les mêmes prix. Voilà pourquoi ça marche mieux.

Si on appliquait leurs tarifs, on pourrait proposer la majorité des ebooks dans la fourchette de prix haute des applications, soit entre 4,99 et 9,99 euros, comme cela est fait aux Etats-Unis, tout en proposant une bonne partie à un prix inférieur. Certaines nouveautés pourraient trouver preneur à 11,99, 12,99 ou même 14,99 euros. Même cette grille de tarifs semblera trop chère à une partie des utilisateurs potentiels.

Alors si les prix restent calqués sur les versions papier les plus chères, les lecteurs se tourneront massivement vers d’autres interlocuteurs, légaux ou pas. Et ça, les grands distributeurs américains l’ont bien compris…