Table ronde au sénat sur l’avenir du livre: le point

Prix du livre numérique, TVA à 5,5%, plateforme unique, numérisation du patrimoine…

Bien que de nombreux sujets aient été abordés lors de cette table ronde, rien de révolutionnaire n’est sorti de cette réunion, et ce n’était d’ailleurs pas le but.

Mais des choses intéressantes s’y sont dites.

Et s’il y a a priori consensus sur plusieurs sujets clés, les choses pourraient être plus compliquées qu’il n’y paraît à unifier, car les intérêts des différents acteurs de la chaîne du livre divergent.

Le prix unique du livre :

L’idée est de protéger la chaîne du livre des « prédateurs » étrangers en fixant un prix unique du livre. Un prix unique qui reste à fixer, de manière à répondre à l’attente des consommateurs, à bien rémunérer les auteurs, les éditeurs, et les nouveaux intervenants. Les fournisseurs de verrous numériques (DRM), par exemple.

Un casse-tête à résoudre, puisque si l’idée du prix unique plaît, on voit mal comment résoudre l’équation, avec les prix très bas attendus par les consommateurs.

On parle d’une loi proposée avant la fin du premier semestre 2010.

La TVA à 5,5% :

Tout le monde est bien d’accord sur ce point. Une TVA à 5,5 % est un facteur de compétitivité, et un alignement logique doit avoir lieu entre livre et livre numérique. Comme cela est positif pour tout le monde, et qu’il n’y a pas de réel manque à gagner pour l’état au vu de l’offre numérique actuelle, cela devrait finalement pouvoir se mettre en place rapidement.

La numérisation des oeuvres :

Bruno Racine est là, et rappelle sa foi dans le projet Europeana pour la numérisation. Le directeur de la BNF pense que la plateforme Européenne a un rôle important à jouer dans la préservation du patrimoine. Rappelons que le principe est calqué sur le modèle de Gallica, la bibliothèque numérique Française de la BNF. La France est à ce titre en avance sur les autres pays Européens et possède les infrastructures industrielles nécessaires pour la numérisation.

Il a été rappelé que Google  a un modèle inadapté, qui se traduit par un monopole commercial des documents ainsi numérisés, et aussi que le fait que cette numérisation soit effectuée par une entreprise privée ne donne pas assez de garanties. Le tout sans fermer complètement la porte…

Le livre numérique homothétique et les autres :

Le livre numérique homothétique est la version numérique à l’identique du livre papier, par opposition aux livres numériques qui verront le jour dans les mois et années qui viennent, et qui intègreront d’autres éléments multimédia.

Le livre numérique n’en étant qu’à ses débuts, et ses frontières étant amenées à se modifier, cette distinction était importante pour les éditeurs.

Le site Actualitté nous apprend d’ailleurs qu’un courrier commun a été envoyé 2 jours avant la table ronde par le SNE (Syndicat National des Editeurs), Le SDLC (Syndicat des Distributeurs de Loisirs Culturels), et le SLF (Syndicat de la Librairie Française) à notre ministre de la culture. Le but de ce communiqué : exprimer leur engagement en faveur du prix unique du livre numérique Homothétique.

Les verrous numériques (DRM) :

Plusieurs intervenants ont bien spécifié leur volonté de protéger les ouvrages avec les DRM. Seul le Syndicat des Distributeurs de Loisirs Culturels (représentant entre autres Fnac, Virgin, Decitre, Cultura….) a réclamé l’abandon des DRM.

Dans tous les cas, ces verrous numériques risquent de poser problème, car il faudra au moins les harmoniser (un seul format), et les rendre beaucoup plus souples et fiables. De nombreux problèmes d’activation, de compatibilité et d’interopérabilité se posent en effet avec les solutions actuelles.

Mais les positions des éditeurs semblent bien différentes sur ce point, et il faudra voir ce qui se prépare…

La plateforme unique :

Le consensus a été complet sur l’idée d’une plateforme unique qui combinerait à la fois les impératifs économiques, techniques, et de préservation du patrimoine. Le SNE s’est par contre inquiété du risque que des éditeurs choisissent de créer leur propre plateforme.

Cela ne signifie pas pour autant ni que tout le monde va jouer le jeu, ni que les attentes des uns et des autres pourront être prises en compte, ni que cette plateforme pourra être réellement une réussite. Il faut en effet résoudre pas mal de problèmes, et savoir comment elle sera organisée.

Au final :

L’importance et la réalité actuelle de la révolution numérique semblent désormais avoir été acceptées et observées par tous. Il était temps. Maintenant, il faut passer des observations et des idées, aux projets concrets et rapides.

Et c’est là que les choses vont a priori se corser, car les acteurs de la chaîne du livre ont des intérêts divergents et vont sûrement mettre du temps à trouver un accord (pour peu qu’ils y arrivent). De plus, il faudra trouver une offre qui séduise le consommateur, à qui on n’a toujours pas demandé son avis, et qui selon toute vraisemblance se verra pris en compte….à coups de DRM.

Pendant ce temps là, la concurrence étrangère passe un dernier coup de polish sur son rouleau compresseur.

Car même si nous arrivons fièrement à donner une leçon de droit et de culture aux « prédateurs », ils vont malheureusement selon toute probabilité nous donner en retour une belle leçon de réalisme commercial, et ce dans très peu de temps.

Il est vraiment urgent de resserrer les rangs !

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Pour visionner l’intégralité des 149 minutes de la table ronde en vidéo, rendez vous sur public senat