TVA à 5,5% : un problème juridique complexe
En réponse à une question posée à l’assemblée, et concernant le prix unique du livre et la TVA réduite au livre numérique, notre ministre de la culture a donné ses orientations. Au programme : réussir à mettre en place le prix unique du livre numérique (comme pour le livre papier), mais aussi trouver des solutions pour faire changer la législation européenne :
« Pour ce qui concerne l’application d’un taux réduit de TVA au livre numérique fourni par voie électronique, il convient de rappeler qu’une telle mesure ne s’accorderait pas avec les dispositions de la directive 2006/112/CE (« système commun de TVA »). Une décision politique doit donc intervenir à l’échelon européen pour pouvoir étendre le taux réduit de TVA à cette forme spécifique de vente du livre. »
La problématique est la suivante : pour que l’europe suive la France sur le sujet de la TVA à 5,5%, il faudrait d’abord réussir à imposer le prix unique du livre pour les livres numériques homothétiques (copie conforme au papier) pour se donner plus de chances de faire changer la politique Européenne. Le principe de système commun de TVA européen est en effet en contradiction avec cette mesure.
« Le rapport Création et Internet souligne très justement que l’adoption de mesures nationales transposant les principes de prix unique au commerce du livre numérique « contribuera peu à peu à gommer la distinction entre livre physique et livre numérique et à faire valoir la prédominance du contenu sur le vecteur de transmission », condition nécessaire pour emporter l’adhésion de nos partenaires européens sur le sujet de la TVA. »
Mauvaise nouvelle pour les prix !
Tout cela signifie quand même d’une part que ce n’est pas gagné pour la TVA à 5,5%, et d’autre part que l’objectif est désormais de faire du livre numérique un livre comme les autres.
Si la TVA à 5,5% passait, ce ne serait pas du tout à l’avantage des utilisateurs, qui eux verraient le prix des livres numériques aligné sur celui des livres papier, du moins si les préconisations du rapport Zelnik étaient suivies.
Christine Albanel elle-même avait rappelé dans son récent rapport remis au 1er ministre que le prix unique du livre devrait s’accompagner d’une forte baisse des prix pour que ceux-ci restent attractifs. Mais voilà : les éditeurs ne passeront pas les livres papier à moins de 10 € pour que les livres numériques soient moins chers. Donc retour à la case départ.
Une bonne nouvelle pour l’offre alternative…
Si le monde du livre arrive à aligner le prix du numérique sur le papier de manière légale, les éditeurs alternatifs pourront facilement récupérer le créneau des prix bas laissé par les éditeurs traditionnels. Par exemple, ces nouveaux acteurs pourraient ne proposer que des versions numériques (éditeurs 100% numériques), ou encore enrichir les versions numériques (qui ne seraient alors pas homothétiques, et donc pas concernées par cette loi).
Il sera aussi possible de lire des ouvrages en Français, venant de pays qui ne pratiqueront pas la même politique. Les éditeurs Canadiens vont se frotter les mains….
L’auto-édition pourrait être l’autre grande gagnante, elle qui outre-atlantique concurrence directement les éditeurs en termes de nombre d’ouvrages publiés. Les auteurs verront dans l’auto-édition non seulement une solution pour être mieux rémunérés, mais aussi être moins chers que les éditeurs.
Enfin, pour les ouvrages qui ne seront disponibles que chez les éditeurs Français, le piratage risque fort d’exploser.
Quand le monde du livre aura compris qu’il faut baisser les prix des livres numériques pour récupérer les clients partis à la concurrence, ils n’aura plus le droit de le faire, sauf en baissant le prix des livres papier.
Document original : questions-assemblée-nationale.fr