Assemblée Nationale et Sénat sont maintenant en conflit !
Le Sénat veut un prix unique qui s’appliquera en dehors du territoire Français, l’Assemblée Nationale veut que le texte ne soit pas illégal au regard du droit Européen. Chacun refuse le texte des autres, et au final, un conflit plutôt rare éclate pour un texte qui depuis le début pose des problèmes.
Une loi « bancale », qui aura du mal à s’imposer…
Personne n’est dupe : cette loi n’est là que pour interdire à Apple, Google, et Amazon de venir jouer sur nos terres. Pour cela, il fallait imposer notre volonté hors du territoire, donc article 3 pour l’imposer à tout acteur voulant vendre en France. Simple, efficace….mais aussi responsable d’une distorsion de concurrence pour la Commission européenne.
Résultat, si cette loi passe, ce sera certainement contentieux et sanctions. Deux positions ont donc commencé à s’exprimer : ceux qui ne voulaient pas aller contre l’avis de l’Europe, et ceux qui voulaient que cette loi s’applique quand même.
Car dans le premier cas, elle s’appliquera alors uniquement sur notre territoire et aura donc l’effet inverse, car seuls nos distributeurs nationaux devront se plier à ces règles. Dans le second cas, tout le monde sera à la même enseigne, au prix d’un texte illégal au regard du droit européen.
C’est cette situation incroyable que dénonce Lionel Tardy, député UMP, qui n’a pas hésité à expliquer l’absurdité d’une loi qui nous conduirait tout droit vers un contentieux avec la Commission européenne.
Le député de la Haute-Savoie exprime d’ailleurs toute son indignation sur son site, où il n’hésite pas à égratigner au passage le ministère de la culture :
Déjà bien mal ficelé dès le départ, ce texte semble partir en vrille, politiquement et juridiquement. Comme beaucoup de textes qui nous viennent du ministère de la Culture …
Quant au « retrait » de tous les apports de l’Assemblée Nationale au texte, apports simplement retirés du texte revu par le Sénat, il n’aboutira pas, comme l’explique Lionel Tardy, à un accord de principe. Lionel Tardy a averti que l’assemblée n’avaliserait pas la position du Sénat et qu’aucun accord n’était possible dans l’état actuel des choses. Le texte étant examiné en commission des affaires culturelles ce mercredi 6 avril, avec un passage en séance publique le lendemain, 7 Avril, il est certain qu’on voit mal comment un accord interviendrait.
Le risque de blocage est donc réel.
Maintenant, une position bien délicate…
Il est certain qu’une loi sur le prix unique qui ne s’appliquerait qu’aux distributeurs Français et pas aux étrangers serait totalement ridicule et aboutirait à simplement pénaliser les acteurs nationaux.
Mais peut-être aurait-il fallu y penser avant, car c’est la seule solution qui soit légale au regard du droit européen actuel. Comment cette loi a-t-elle pu être proposée sans d’abord une vérification minutieuse du fait qu’elle était bien compatible avec le droit Européen ? Mystère…
Tenter le tout pour le tout…
L’objectif affiché est donc désormais de faire voter cette loi et ensuite d’aller essayer de convaincre la commission Européenne de nous accorder « une dérogation ». Comment imaginer que la Commission Européenne acceptera une dérogation alors que nous venons de piétiner son avis ?
La calcul est donc maintenant le suivant : même si la commission Européenne sanctionne la France, les acteurs visés seront soumis à cette clause. Ce sera au moins ça de sauvé, plutôt que de laisser notre pays sans « protection » face aux acteurs étrangers.
En théorie…parce que si j’étais un de ces acteurs étrangers, je pense que je refuserais de me soumettre à une loi que la commission européenne soupçonne d’être illégale…on voit bien que cette loi, même si elle passe, aura beaucoup de mal à s’imposer à ces acteurs, et qu’en plus, elle nous vaudra des sanctions de la part de l’Europe, peut être jusqu’à ce qu’elle soit abrogée ou modifiée, et donc vidée de sa substance.
Une loi en attendant une offre attractive…
Cette loi ne peut au mieux que donner de l’air le temps de préparer une offre attractive. Les acteurs Français savent bien qu’ils ne pourront pas se protéger indéfiniment d’acteurs aussi puissants d’Apple, Amazon ou Google à coups de lois.
Ces grands acteurs ont d’ailleurs une arme en cas de blocage : des plateformes pour proposer en direct aux auteurs de prendre jusqu’à 70% de commission, qui tournent volontairement au ralenti, mais qu’ils n’hésiteront pas à « activer » s’ils n’arrivent pas à faire baisser les prix en passant par les éditeurs. Il ne leur faudra donc que quelques années pour proposer des catalogues aux prix bien plus séduisants que ceux proposés actuellement s’ils décident de devenir les concurrents directs des éditeurs, ce qu’ils ont soigneusement évité de faire jusqu’ici.
La loi sur le prix unique n’est donc au mieux qu’un simple bol d’air, le temps de préparer des offres plus séduisantes que celles proposées aujourd’hui.
Et dans ce domaine ce sera au consommateur, et à lui seul, de trancher…