Beaucoup d’éditeurs se méfient de Google, Amazon, Apple et autres en ce qui concerne le livre numérique. Le conflit d’intérêt entre ces deux types d’acteurs du numérique est évident. La disparition des éditeurs est le scénario idéal pour les distributeurs, qui pourraient alors se passer d’un intermédiaire coûteux, et pourtant utile…
La stratégie des grands distributeurs étrangers
Pour ces grands distributeurs, le calcul est très simple : tout est bon pour gonfler le catalogue. Pour démarrer, ils ont donc besoin des collections des éditeurs, et aussi de récupérer un maximum d’auteurs non édités. Amazon va même jusqu’à créer de nouveaux formats pour déclencher des vocations, et Borders jusqu’à proposer de transformer votre blog en ebook. Bref, il faut du contenu….
Mais par la suite, les distributeurs auraient intérêt à ne plus laisser de commission aux maisons d’édition, difficiles à manoeuvrer, et qui défendent des prix hauts. Or les prix hauts empêchent une explosion des volumes de ventes dont rêvent les distributeurs. Ils ont donc intérêt à séduire les auteurs directement.
Avec des commissions allant jusqu’à 70% (pour ceux qui vendront à moins de 10 $) pour ceux qui passent « en direct », les auteurs pourraient être tentés. Mais pourquoi s’arrêter là ? Qu’est-ce qui empêchera un jour ces distributeurs de proposer aussi les services d’un éditeur ?
Les plateformes des grands distributeurs
Il est important de noter que tous les grands acteurs ont leur plateforme d’édition, présentée à chaque fois de manière à ne pas froisser les éditeurs. Elles s’adressent donc aux auteurs et éditeurs. La communication sur ces plateformes est très discrète, trop discrète, preuve que tout cela est bridé pour l’instant.
La plateforme de Kindle
Nommée Digital Text Platform (DTP), elle permet de publier ses livres numériques sur Kindle (pas seulement l’appareil, mais aussi les applications).
Les conditions permettent sous certaines conditions d’obtenir jusqu’à 70% de commissions sur les ventes.
Avec Kindle qui a étendu sa présence sur les tablettes et smartphones via les applications, la visibilité obtenue en passant par cette plateforme est importante.
Lien : Digital Text Platform
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La plateforme d’Apple
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Apple permet de s’auto-éditer sur iBooks. Pour cela, il faut remplir certaines conditions et être inscrit à iTunes connect et remplir les conditions minimales pour pouvoir proposer son fichier.
Certaines des conditions ne sont pas faciles à remplir pour un pur débutant, et des partenariats (ex : Lulu.com) permettent désormais de faire le travail pour vous (vous fournir un ISBN, valider le format ePub, etc…)
Lien : Itunes connect
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La plateforme de Barnes & Noble
Le plus grand libraire au monde a aussi son programme, nommé Pub!It. Comme Amazon, il propose une meilleure commission si votre ebook est vendu entre 2,99 et 9,99 $ (65%).
Sinon, le principe est que vous toucherez 40% de commission. Il y a assez peu d’informations sur le programme, mais Barnes & Noble a de vrais atouts avec un réseau de distribution important.
Lien : Pub!It
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La plateforme de Google éditions
Google éditions est une plateforme, et le concept est encore une fois de permettre à un auteur ou à un éditeur de proposer son ebook dans le catalogue. Pas encore officiellement lancé, Google éditions est pourtant actif, et il est déjà possible, en passant par Google livres de proposer sa version numérique d’un ouvrage.
Google éditions n’est pas encore sorti, mais voici un point de la situation.
Le programme de Borders
Voici un programme que j’ai failli exclure de cette sélection, et qui permet aux blogueurs de transformer leur blog en ebook et de le publier directement chez Borders entre autres (j’ai parle ici plus en détails).
On est ici dans un concept hybride, plutôt éloigné de l‘idée première du livre numérique.
Lien : Borders Get Published
A préciser tout de même : Borders, le seul éditeur de cette liste, n’a pas intérêt à concurrencer son propre service d’édition avec une plateforme d’auto-édition. Cela explique peut-être aussi que Kobo, détenu en partie par Borders, n’ait pas créé ce type de plateforme.
Qu’espèrent les distributeurs de ces plateformes ?
Pour l’instant, elles sont presque en veille, et servent peut-être d’épée de Damoclès au dessus de la tête des éditeurs (regardez le bel outil qu’on peut développer si vous n’êtes pas coopératifs).
Si les éditeurs « résistent trop » à leur pression, ils pourront utiliser à plein régime leurs moyens de communication pour recruter les auteurs directement, mais aussi pour générer de nouvelles vocations.
Je suis aussi certain que tout va être fait pour que ‘Mr tout le monde’ devienne auteur, en transformant blogs, contenus des réseaux sociaux, et tous les contenus générés par les utilisateurs sur internet en pseudo-ebooks. C’est l’intérêt des distributeurs.
Mais ce modèle fait l’impasse sur un point important : la qualité !
Même si les distributeurs pourront certainement offrir les mêmes services que les éditeurs, ils n’ont pas intérêt à sélectionner les ouvrages, mais à en avoir le plus possible, en tout cas pour l’instant.
Sans le cadre imposé par les maisons d’édition, la qualité risque de se dégrader. Peut-on vraiment reproduire le modèle utilisé pour les magasins d’applications du type AppStore, et laisser l’internaute s’occuper de sanctionner et de soutenir les bons « produits » ?
Je ne pense pas, car une sélection à l’entrée reste essentielle ! Or pour moi, seule l’expérience de l’éditeur permet de faire cette sélection.
Des éditeurs doivent-ils alors se spécialiser dans le numérique ? C’est déjà le cas, (par exemple : NumerikLivres). Les autres doivent-ils repenser totalement leur travail (et leurs commissions) lorsqu’il s’agit de numérique, pour continuer à jouer le rôle de filtre sur la qualité ? Il vaudrait mieux, car les distributeurs n’hésiteront pas à les contourner en offrant leur part aux auteurs; une solution qui n’est pas souhaitable si on veut demain une offre de livres numériques de qualité.
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